MARAICHERS

La parole brute des hommes et des femmes du marais de Saint Omer compose un grand poème aux multiples facettes. Sur scène, Pierre Boudeulle et Charlotte Mucklisch défendent cette mémoire vivante.

Il peut être présenté sous deux formes :

Lègres (parcelles)
créé le 17 avril 2010 à la Bibliothèque de Saint Omer,
une forme courte, avec une scénographie minimale, et sans espace scénique, pouvant être jouée en extérieur et proposée dans des lieux non équipés,

Maraichers

créé le 8 octobre 2010 à la Comédie de l'Aa, à Saint Omer,
une forme longue, avec une scénographie plus développée, prévue pour des salles de spectacle équipées d’un espace scénique.



Un acteur et une danseuse, entre escute et bacôve,[1] un pied sur un bateau, en équilibre instable, dans un espace morcelé, constitué de parcelles éparses, les lègres, de morceaux de terrains éclatés, démembrés, puis remembrés, constitués en blocs, évitent de piétiner le sol, la terre, pour qu’elle reste meuble, tentent de s’installer sur un bout de territoire, avant d’être déplacés, font des pieds et des mains pour circuler entre hier et aujourd’hui, et faire circuler la voix plurielle des maraichers.

Maraichers répond à une commande du Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale et confirme la résidence de la Compagnie Zavod Théâtre à Saint Omer et son partenariat avec la Comédie de l’Aa. La proposition de faire un spectacle pluridisciplinaire à partir d’une collecte de témoignages réalisée auprès d’habitants et usagers du marais audomarois a rencontré le désir de la Compagnie Zavod Théâtre d’explorer une mémoire intime et collective du territoire audomarois et de questionner artistiquement les notions de territoire et de territorialisation.

Le marais audomarois, c’est « un territoire remarquable composé de 3700 ha, traversés par 700km de voies d’eau, il présente une histoire particulière, où l’action de l’homme a fortement modelé le paysage. Ainsi, dès l’arrivée des moines au 7ème siècle, cette zone marécageuse a été assainie, transformée, drainée. Au fil des siècles, le marais, occupé par les Flamands, a pu accueillir une activité maraîchère dense. Aujourd’hui, le marais est à la fois reconnu pour ses paysages, mais aussi pour la richesse de son patrimoine naturel et culturel. »

Maraichers
ou l’approche sensible d’un territoire

Centré autour de thèmes comme la culture maraichère, les souvenirs de la Seconde Guerre mondiale, la vie sur l’eau, entre des petits bouts de terrains dispersés et difficiles d’accès, le spectacle est composé à partir des témoignages des maraichers et d’explorations des marais. Il donne à entendre non pas la voix de chacune des personnes qui ont témoigné, et encore moins celle de l’auteur, mais la voix de ce collectif d’habitants des marais. Et peut-être même au-delà des seize « témoins », une voix impersonnelle, collective des maraichers.

Des « ritournelles sonores et gestuelles » constituent la matière sensible du spectacle : couleurs des champs, de l’eau et des jardins, bruits des pas dans la terre humide ou gelée, changements de lumière au rythme des saisons, et l’écho des voix de maraichers. Tant et si bien que le territoire s’apparente à une scène ou la scène à un territoire, c’est une ritournelle de territorialisation comme lorsqu’un oiseau crée son territoire en s’exprimant avec ses couleurs, ses chants et ses mouvements. C’est la matière sensible du marais qui parle, chante et danse.

Maraichers se déroule entre Pierre Boudeulle développant son slam maraicher sur un promontoire pour tout territoire et Charlotte Mucklisch qui parcourt l’espace en tout sens comme les rivières traversent les marais, les deux unis comme les terres et les eaux. Les voix et les sons du marais en contrepoint sont comme la brume d’où s’élèvent les souvenirs. Jusqu'à ce que les deux interprètes se rejoignent enfin et dialoguent. Prise de parole réelle des témoins sur scène, enregistrée, rediffusée, écrite, versifiée, slamée, dialoguée, reprise en chœur : le poème collectiviste deployé dans la diversité de ces modes d'énonciation.

Lègres, la forme courte du spectacle, peut être jouée en extérieur ou dans des lieux qui ne sont pas nécessairement conçus pour le théâtre, créant la surprise d’une parole saisissante comme surgie des marais.

La Compagnie
Georges Banu, Béatrice Picon-Valin et Jacques Bonnaffé sont les parrains de la Compagnie Zavod Théâtre. Depuis 2009, la Compagnie entreprend un travail sur le territoire de l’Audomarois qui a donné lieu à la création d’Ombres sous un ciel d’or en 2009, en partenariat avec Saint Omer, Ville d’art et d’histoire, La Comédie de l’Aa et avec l’aide du Conseil général du Pas-de-Calais au titre de la résidence-création.

Ismaël Jude, auteur, metteur en scène, membre fondateur du Laboratoire de pratiques scéniques de la philosophie, prépare une thèse sur « la dramatisation chez Gilles Deleuze » à la Sorbonne-Paris IV, sous la direction de Denis Guénoun. Il met en scène plusieurs de ses propres pièces de théâtre. Il est le dramaturge de La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès (Comédie de Caen - CDN de Normandie, 2003, mise en scène de Vladimir Petkov). Une première version de sa pièce Figures de l’envol amoureux est créée en Bulgarie (Théâtre-Sfumato, Sofia, 2005, mise en scène de Vladimir Petkov), une autre version dans le festival « off » d'Avignon (2009, Théâtre Notre Dame, Avignon, mise en scène d’Antoine Bourseiller). Auteur - metteur en scène en résidence à Saint Omer, dans le Pas-de-Calais, il y monte Ombres sous un ciel d’or (septembre 2009). Avec Denis Baronet et Nicolas Kerszenbaum, il est co-auteur de SODA (La Générale, Paris, 2011).

Pierre Boudeulle, interprète, associé au Théâtre de L'Aventure, formé au Conservatoire de
Mons en Belgique ; formé au clown, masque et choeur par Guy Ramet et Hassid Boabaya ;
membre fondateur de Maravilya Bravo, troupe de théâtre tout terrain ; directeur de la Cie
Bakanal accueillant ses mises en scène de texte du répertoire comme de création collective,
musicien et slameur au sein du groupe Furieux Ferdinand.

Charlotte Mucklisch, interprète, comédienne depuis 2004 au sein du collectif de comédiennes « Les poupées de chimère », après une première création Normales à en mourir (Festival inter-universitaire du spectacle vivant, Université de Lille III, Labomatic, Rose des ventsscène nationale de Villeneuve D’Ascq), elle crée La femme à barbe bleue puis Amazone (2006, mise en scène de Frédérique Tentelier) ; elle collabore avec la Compagnie Thec pour le spectacle D'après madame Bovary puis Dj Don juan (2007, mises en scène de Antoine Lemaire) et avec la compagnie « En compagnie des anges » pour Le cauchemar de Bernarda (2009, mise en scène de Sophie bourdon) ; elle est interprète dans Soixante, une création du Théâtre Décomposé (2010, mise en scène d’Eric Durand). Charlotte Mucklisch est également intervenante théâtre dans différentes structures et avec différents publics.

Delphine Chambolle, créatrice sonore, est Maître de Conférences à l'Université de Lille3. Sa recherche porte sur le théâtre et le son. Elle a travaillé avec le concepteur sonore Daniel Deshays et a participé à plusieurs créations du compositeur Nicolas Frize ainsi qu’à Ombres sous un ciel d’or d’Ismaël Jude.

Rémy Colin (faiseur de bateaux), réalisation scénographie

[1] Noms des bateaux de différentes tailles utilisés dans le marais audomarois

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