Ombres sous un ciel d'or

Une pièce écrite et mise en scène par Ismaël Jude

Avec Camille Gorde, Yohan Guillemot et Alexandre Ruby

17 et 19 septembre 2009, cathédrale de Saint Omer

24 octobre 2009 à 14 h 30 et 18 h, Hôtel de Ville de Saint Omer


Ombres sous un ciel d’or est le premier volet d’une série de spectacles qu’Ismaël Jude consacre à Saint Omer, sa ville natale.

La pièce tisse les fils d'une histoire double. En 1566, Saint Omer appartient aux Pays-Bas espagnols ; un soldat de Castille y rencontre une jeune Flamande mais leur amour est impossible. Quatre-cent cinquante ans plus tard, un jeune homme d’aujourd’hui revient dans la ville qu’il avait quittée depuis la mort de son père. Chacune des deux histoires, construite en contre-point de l’autre, pourrait en être le dédoublement, la transposition rêvée ou fantasmée, de sorte qu’entre les deux résonnent des échos sourds, lointains et troublants.

La date de 1566 correspond à une période de « troubles iconoclastes » immédiatement suivie d’une sanglante répression espagnole. Cette querelle intervient donc à un moment où le territoire est en train de se transformer, des puissances antagonistes se disputant sa domination. Le choix de l’époque des Pays-Bas espagnols permet de montrer qu’un territoire comme l’Audomarois est traversé par de nombreuses lignes de fuite : flamande, espagnole, française, anglaise aussi, qui se perdent dans des temps immémoriaux. Le territoire n’est donc pas réductible au mythe d’une identité constituée de tout temps. De même que ce passé hispano-flamand est immémorial, le passé est pour les personnages de la pièce ce dont ils ne peuvent pas se souvenir. Notre mémoire se joue de nous, elle présente nos souvenirs dans un nuage de fumée embrouillé. Et quand une image s’est enfin constituée, claire et distincte comme une idée, il y a fort à parier que ce soit un fétiche, un fantasme ; alors renouvelant le geste salvateur des iconoclastes, il faut la briser, cette idole. La pièce raconte l’histoire de l’érection de cette fumée du passé en image, et sa joyeuse destruction.

Mêlant ainsi l’histoire de Saint Omer à la fiction, Ombres sous un ciel d’or est l’exploration d’une mémoire intime et collective. Ce qui doit toucher les Audomarois en premier lieu bien sûr mais qui concerne tout le monde. Une ville n’a pas plus d’intérêt en elle-même qu’une autre ville ; être de tel endroit du monde, quelle importance au regard de ce que c’est qu’être au monde, partager le monde ?


La mise en scène se veut pauvre et nue pour aller à l’essentiel.

Nous utilisons quelques accessoires, très peu de costumes et de décor. Nous privilégions les espaces où il est possible de jouer de plain-pied, situant acteurs et public à un même niveau. Pas de maniérisme, pas de formalisme, ni la vidéo en toile de fond, devenue le lieu commun de la mise en scène contemporaine, mais un espace scénique vidé pour exposer le jeu des acteurs. Ce que nous mettons en avant, c’est donc le jeu.

La gaité avec laquelle nous abordons les scènes donne au spectacle l’évidence d’un moment de convivialité partagée. A la fin du spectacle, les acteurs se réunissent pour un repas sur scène. Par delà l’idolâtrie dramatique ou l’exaltation tragique, ils finissent par s’assoir autour d’une table, « dégrisé », pour faire un monde par le simple fait d’y être ensemble. Les nombreux aspects tragiques de la pièce, nous ne les éludons pas mais ils sont tendus vers une joie plus grande, une plus grande puissance d’être, et d’agir. Au moment même où les personnages disent qu’ils veulent en finir, les acteurs semblent n’avoir jamais manifesté un aussi grand appétit de vivre.

Une grande qualité d’écoute et une attention fine à ce qu’il se passe dans le moment présent est l’un de nos plus grands soucis. La capacité des acteurs à être ensemble vise à toucher le public dans ce qu’il a d’essentiel, et d’essentiellement politique, qui est d’être une assemblée réunie ici et maintenant. L’enjeu est de partager avec un public la possibilité d’un être-en-commun. Le partage, c’est ce qui est en jeu, c’est ce que jouer veut dire pour nous.

A l’heure où il ne nous est souvent laissé d’autre option que d’être des spectateurs isolés dans le cadre mesquin de jouissances personnelles, solitaires devant nos écrans, des spectateurs d’une « société du spectacle », telle que l’a décrite Guy Debord, où tout spectacle est marchandise et toute marchandise spectacle, il nous semble de la plus haute importance de fonder sur scène la possibilité d’un « partage du sens » provisoire, éphémère, mais vital.

Camille Gorde, Yohan Guillemot et Alexandre Ruby, outre leurs collaborations avec de nombreux autres metteurs en scène, ont travaillé ensemble dans plusieurs spectacles d’Antoine Bourseiller comme L’Idiot de Dostoïevski en 2005, Hamlet-Lorenzo en 2007, Lorenzaccio d’Alfred de Musset en 2008 et Figures de l’envol amoureux d’Ismaël Jude en 2009. Alexandre Ruby a par ailleurs joué dans d’autres spectacles d’Antoine Bourseiller comme Le Bagne de Jean Genet à l’Athénée Théâtre Louis Jouvet en 2006 ou Corrida de Denis Baronnet au Théâtre du Rond Point en 2009.

Contact :
Ismaël Jude
ismaeljude@yahoo.fr

Compagnie Zavod Théâtre / 98 ter rue de Sailly / 62 290 Nœux-les-Mines

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